jeudi 19 avril 2012

À moi seule - Frédéric Videau, France.

À moi seule s’inspire d’un fait divers : Gaëlle (Agathe Bonitzer), une gamine d’une dizaine d’années est kidnappée par un homme, Vincent (Reda Kateb), et est séquestrée dans une pièce en sous-sol pendant 8 ans. Jours Souterrains ? Pas vraiment. Le film s’ouvre sur une séquence mutique il faut dire assez réussie. Gaëlle sort du sous-sol, dévisage son kidnappeur - les portes sont grandes ouvertes. Où est le piège semble-t-elle penser. Elle avance, se retourne, puis repart en courant. Et puis c’est tout. Il faudra attendre la fin du film, une séquence de rencontre dans un train pour avoir un équivalent de qualité. Entre les deux, une mise en scène anesthésiée (et anesthésiante : le film est à peine sauvé par la non-chronologie narrative) qui va bien à Agathe Bonitzer, frêle figure fantomatique (remarquable en cheveux presque-blancs), mais qui, lorsqu’elle se décline chez tous les personnages devient le témoin d’une simple maladresse. Sans vraiment s’appesantir sur un hypothétique syndrome de Stockholm, ni même sur la figure du malfrat, les morceaux se recollent sans surprise par tous les passages obligés d’une reconstruction. Reste tout de même la musique de Florent Marchet, mélancolique et synthétique, rappelant un peu celle de ROB pour Belle Epine, mais qui, malheureusement ici, ne sera utilisée qu’à de rares occasions, révélant à la fois une part de sensible, mais surtout un manque d’unité.

vendredi 28 octobre 2011

Sylphides, de Cecilia Bengolea et François Chaignaud

On ne se risquera pas à coller une quelconque étiquette à « Sylphides ». Non-danse ou pas, performance ou pas, là n’est pas la question. François Chaignaud et Cecilia Bengolea sont d’ailleurs crédités comme concepteurs et non chorégraphes, balayant ainsi un certain nombre de questions. Concept, donc, c’est de ça qu’il s’agit. Thèmes et variations autour d’une simple situation de départ, jusqu’à en faire éclore une profusion de sens. Nous amener à voir l’impossible, d’abord, et ressentir l’invisible, ensuite.


Seconde peau

On découvre sur scène, alignées, trois formes mal identifiées de couleur grisonnante, quelque part entre le gros coussin et le boudin gonflable. Une femme aux allures glaciales fait son entrée aspirateur en main, et vide ces gros sacs - qui s’avèrent être en latex - de l’air qu’ils contiennent, dévoilant trois corps, ceux des trois danseurs, enfermés à l’intérieur. C’est le départ d’une heure suffocante de performance, aux allures de lutte contre une force supérieure incarnée par cette tierce personne, qui reviendra plusieurs fois, venant remplir ou non ces sacs d’air, les déplaçant à sa guise sur le plateau, mais sans jamais proposer une lecture évidente de sa volonté.

Ce qui fascine avant tout ici, c’est le côté anxiogène de la situation. On ne peut s’empêcher de retenir son souffle, par solidarité des danseurs. Cette tension est entretenue du début à la fin, renforcée par le sentiment d’être en terrain hostile, vu l’austérité ambiante (pas un brin de couleur dans les éclairages ou ailleurs, d’ailleurs il n’y a rien d’autre sur scène).

Puis il y a des spasmes. Ces corps se réveillent et se révèlent. Il faut être attentif pour s’en apercevoir, au début, à travers la couche de plastique : un pied qui tremble, une cage thoracique qui se gonfle, une tête qui se relève… Une sorte d’éveil, une lutte pour se relever s’engage, montrant à quel point leur condition la rend difficile. Chaque acte revêt un caractère exceptionnel, et cela va crescendo, jusqu’à la mue finale attendue.

Cette seconde peau permet aussi aux danseurs, dans leur quête, d’adopter des poses tout à fait inédites. A la manière dont Xavier le Roy mettait en scène des tableaux de corps nus, ce sont des associations de corps gris qu’on a ici. Brisant les repères et les frontières du corps, on assiste à une métamorphose insolite, où cette matière grise s’associe, ne faisant plus qu’un bloc protéiforme, à la frontière de l’imaginable. Voiler le corps pour en dévoiler un autre, invisible. Les sylphides, ces êtres chimériques. Mais ces corps privés de leurs sens par le latex traduisent aussi un terrible paradoxe. A la fois beaux comme le seraient des statues de bronze (on les déplace d’ailleurs sur un chariot comme des œuvres d’art), il demeure un aspect létal. Difficile, par la ressemblance, de ne pas penser à des êtres pris dans le mazout. Mais c’est de cette ambivalence incroyable créée par la seconde peau synthétique, que l’idée de Cecilia Bengolea et de François Chaignaud, aussi simple soit-elle, puise sa force. Et c’est à juste titre que Sylphides aurait pu trouver sa place à la Biennale de Lyon, puisqu’il s’agit de l’incarnation parfaite d’une terrible beauté.


Le corps retrouvé

Parce que les corps finissent par se dérober de leur étreinte. Climax suprême, quittant leurs enveloppes, après nous avoir tenus en haleine pendant presque une heure. Cette simple apparition est d’une force inattendue. Ce qui n’avait pas d’identité acquiert un visage. Ce qui était cocon sans genre est ramené à un sexe. Ce qui était gris est devenu coloré. La Vie se fait.

C’est alors que les danseurs, épuisés, transpirants, se jettent à corps perdu dans un tourbillon de pas de danse, faisant parler les corps meurtris de manière compulsive, saturant l’espace le temps d’une chanson. Que ce soit de l’exorcisme au regard de l’épreuve passée ou de la jouissance d’une liberté retrouvée, on a le sentiment miraculeux d’assister aux premiers pas d’un nouveau-né. Les danseurs, ces êtres extra ordinaires, présentés comme les fruits de chimères. Et si la chanson discrètement sucrée Viva Forever les accompagne, c’est pour mieux sceller cette renaissance aux allures d’ode à la danse. Qu’elle soit simple, heureuse, et éternelle.


Tempête sous un crâne, de Jean Bellorini

Avec « Tempête sous un crâne », la compagnie Air de lune adapte sur scène « les Misérables », œuvre majeure de Victor Hugo. Si l’exercice semble de prime abord périlleux, le metteur en scène Jean Bellorini tire très bien son épingle du jeu puisque le résultat très cohérent montre combien le caractère de ce récit est universel, et combien il n’a rien perdu de sa force au cours des années, bien au contraire.


Les maux en mots

Les lumières s’éteignent, et nous voici partis pour la grande fresque que l’on sait : quatre heures de spectacle en deux parties distinctes. L’une – « première époque » – narrant les aventures croisées de Jean Valjean, Fantine et Cosette. L’autre – « seconde époque », donc – sur fond d’insurrection, contant l’amour de Marius pour Cosette et la montée des barricades. Si le récit n’est évidemment pas restitué dans son intégralité (5 tomes, tout de même…), le travail d’adaptation effectué par Jean Bellorini et Camille de la Guillonnière est tout à fait remarquable. Dans cette version, ne disons pas raccourcie mais plutôt épurée, jamais l’histoire ne perd de son sens, de sa poésie ou même de sa force.

Pour ceux qui s’interrogent : oui, le contrat est rempli. On nous mène du début à la fin de l’histoire à un rythme de croisière effréné, où il n’y a pas de place pour l’ennui. Et si cela opère, c’est avant tout grâce au dynamisme de la troupe, surtout lorsque l’on sait que la première partie n’est menée que par deux acteurs. À eux seuls, ils réussissent à porter à bout de bras une intrigue complexe, incarnant tour à tour, et de manière limpide, une flopée de personnages. On appréciera tout particulièrement le jeu presque candide de la toute jeune Clara Mayer, qui révèle avec évidence, non sans humour, la beauté du texte.

La scénographie témoigne quant à elle d’une économie de moyens. En effet, on ne trouvera sur scène qu’un lit à roulettes, un arbre et quelques accessoires. Pourtant, cela suffit amplement. Jean Bellorini, en montant ainsi cette pièce, en écho à l’esprit des Misérables, témoigne de la possibilité de faire tant avec si peu.

L’hyperactivité des acteurs et les astucieuses petites trouvailles scéniques jouent aussi leur rôle dans cette réussite. En exploitant l’espace offert par le plateau dans toute sa profondeur, il y a toujours du mouvement. Les acteurs courent, le plus souvent en rond, que ce soit à la fin d’une scène pour amorcer la suivante, ou de manière à créer des effets de sens. Quelle belle image, cette dissémination d’odeur de poudre dans la salle par trois acteurs, fumigènes en main ! Ces cercles concentriques, comme on imaginerait une hélice verbale, deviennent autant de signes avant-coureurs des tempêtes à venir.

Car des tempêtes, il y en a plusieurs. Et toujours, ces moments où l’esprit se fait violence, partagé entre deux décisions antagonistes, sont portés de manière subtile sur scène. Lorsque Jean Valjean désire compulsivement voler les couverts d’argent de l’évêque qui l’héberge, c’est l’alliage des voix de Clara Mayer et de Camille de la Guillonnière, déclamant les tirades à l’unisson, qui traduit la complexité de la situation et le malaise qu’éprouve le personnage. Par ailleurs, lorsque Jean Valjean assiste à son propre procès, alors que c’est un innocent qui est accusé à sa place, c’est l’ombre portée de l’acteur sur un mur qui vient matérialiser une partie de sa conscience tiraillée, nous prenant à témoin de cette tempête sous un crâne !


La musique des mots

Une spécificité à laquelle la Cie Air de lune tient beaucoup est la place très importante qu’occupe la musique. Sur scène, les acteurs sont accompagnés tout au long de la représentation par deux musiciens jouant aussi bien du piano, de la guitare, de l’accordéon que de la batterie. Tissant ainsi la bande sonore de la pièce en direct et ornant le discours de phrases musicales, le texte devient mélodie.

Comment oublier ce passage remarquable où quatre des acteurs, alignés face à nous, s’expriment comme l’auraient fait les différents membres d’un quatuor à cordes ? Comment oublier celui où une alarme retentit, d’abord seule, puis devient l’élément principal d’une chanson où les accords et le tempo sont exactement calqués sur le cri de celle-ci ? Et si certaines interventions musicales sont parfois superflues, notamment sur les (rares) parties chantées, une cohérence globale se dégage de la profusion sonore simple et nostalgique. Ici, la musique devient l’élément consolateur chez ceux qui n’ont plus rien.

Une belle prouesse, donc, qui nous présente une compagnie généreuse, dynamique, mais toujours exigeante. Maniant l’art du théâtre dans ce qu’il a de plus noble, elle parvient à faire naître un monde à partir de rien. Et lorsqu’on entend la tirade, « il y a un spectacle plus grand que le ciel, c’est l’intérieur de l’âme », on ne peut s’empêcher de penser que oui, décidément, ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd !



lundi 19 septembre 2011

Genius Loci, de Véronique Caye

Genius Loci fait partie de ces rares moments où l'on se dit que croire au miracle n'est pas si bête.


Un peu moins de 40 minutes suffisent à Véronique Caye pour distiller sa magie au cœur de l'église à moitié détruite de la Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon.
Le spectateur, après avoir déambulé en comité restreint (une quarantaine de personnes) devant les anciennes cellules de l'édifice est conduit dans cette chapelle - le chœur des pères - dont l'extrémité s'est effondrée. Et c'est justement sur cette extrémité, déjà à la frontière de deux mondes qu'il est invité à s'asseoir, sous le ciel naissant, face à ce qui va devenir théâtre d'ombre, de son et de lumière.

Révélateur

Au départ tout est noir, on parvient à peine à distinguer l'architecture du lieu. Puis des bruits de pas. On ne parvient pas - il fait sombre - à distinguer si oui ou non quelqu'un marche devant nous. Puis la voix de Véronique Caye qui résonne dans le lieu, nous expliquant comment, depuis sa résidence, elle a effectué le chemin que nous venons de parcourir, tous les jours, en se questionnant sans cesse sur l'Histoire qui pèse sur ces pierres. Tout ce qu'elles ont pu voir, ces pierres, tout ce qu'elles ont pu entendre.
Puis de la lumière sur ces murs nus. D'abord en contours des lignes porteuses de l'architecture, puis tout un paysage qui se révèle à l'allure d'un polaroid et qui vient orner cette pierre, comme pour en faire éclater son histoire passée. Ô magie, nous voici face à la parfaite restitution de l'église, telle qu'elle l'était au XVIIIème siècle !
Et pendant que ces images fantomatiques vont et viennent à leur gré, apparaissant et disparaissant comme le ferait un fantôme (le génie du lieu ?), un paysage sonore est diffusé à l'aide d'enceintes savamment dissimulées, tout au long de la représentation, liant musique, lecture de psaumes, et effets sonores qui résonnent tour à tour, se portant garant de ce que l'on a certainement pu entendre au fil des siècle dans ce lieu sacré.

Mathématiques

Véronique Caye a travaillé pour sa mise en espace en étroite collaboration avec le laboratoire de recherche MAP-GAMSAU, spécialisé dans la restitution 3D de l'architecture, ce qui a permis de rendre des effets visuels jusqu'alors inédits. En effet, pendant la représentation, on assiste sans que rien ne bouge à l'élévation spectaculaire de la structure entière, illusions d'optique basées sur la déformation de la projection en fonction du temps, afin d'utiliser le relief de l'architecture comme toile de cinéma plane. Il n'y a donc aucune anamorphose du point de vue du spectateur. Le rendu est tellement saisissant qu'on en oublie qu'il s'agit d'une simple projection.

Modeler l'invisible

Dans ce spectacle, le fil conducteur n'est pas l'image - du moins ce qui relève du visible - mais l'immatérialité du son. Véronique Caye vient chambouler l'habitude du spectateur qui se laisse porter, aveugle au départ, par les ondes sonores de l'oralité. Cohérence totale, donc, pour parler de ce qui n'est justement plus de l'ordre du visible ! Mais dans ce lieu, où finalement on finit par se faire absorber complètement par le fictif (projections, enregistrements...), un acteur surgit furtivement. Graine tombée d'un arbre en pleine floraison, la silhouette noire tend le bras vers nous le temps d'un psaume sur ce plateau au décor en mutation constante, et vient redonner un coup à la frontière virtuelle entre passé et présent qui nous tourne autour et nous étreint depuis le début.
S'agit-il d'un revenant échappé du passé qui nous invite à replonger totalement avec lui dans ce qui a été, ou est-ce un acteur venant nous rappeler que nous sommes toujours bel et bien en 2011 et qu'il faut se souvenir de l'instant présent ?! Pas le temps d'y penser que la personne a déjà disparu, nous laissant témoin d'un magnifique et poétique tableau final aux airs de constellations et d'immensité venant sceller cette fenêtre sur le passé. Face au cri de la pierre prise comme témoin des âges, on reste en haleine au pieds de murs blancs livides, sans que personne n'ose bouger, de peur de briser cette brèche fébrile qui s'est ouverte entre les temps.

On en sort finalement frustré de n'avoir pu partager cette émotion si forte - gravée dans le cœur des pairs - avec d'autres, mais c'est aussi ce caractère intime qui lui confère sa force et son sacré. Quoi qu'il en soit, on est convaincu d'avoir assisté à une merveille, hic et nunc.


samedi 24 janvier 2009

12/01-28/05 21h35

La nouvelle année. Les nouvelles saisons exclusives de nos séries préférées. Recette évidemment connue de tous. Scénarios qui marchent, mais qui à la longue s'essoufflent. Méthode pour y remédier ?!

*Desperate Housewives : bond de 5 ans en avant.
*the L word : bond de 3 mois en avant.
*Lost : ellipses temporelles en concurrence directe avec 2001 : L'Odyssée de l'Espace ; Retour vers le Futur !

Une distorsion temporelle, donc. Autrement dit, dans ces scénarios règne un aller/retour perpétuel et hyper-décomplexé entre présent, passé et futur !
Détruire sciemment la continuité afin de permettre une multitude de nouvelles péripéties ?
Détruire sciemment la continuité afin de combler l'ennui ?

Mais dématérialiser la donnée temporelle s'inscrit finalement dans l'air du temps. N'a-t-on pas tout d'abord commencé à dématérialiser la monnaie ? Et puis les instruments (depuis les années 70 surtout). Puis s'en est suivi la machine à écrire, avec ce que vous savez, et donc, plus recemment, la musique et l'image...

Alors dématérialiser le temps, vous pensez !

samedi 17 janvier 2009

-Interlude-


"Retrouvez votre énergie sans effort, le poids du monde sur vos épaules..."

Avril.

jeudi 15 janvier 2009

15/01/09 21h07

Récente découverte : le Rubik's cube !

Pourtant si simple ! Un cube dont on peut tourner toutes les faces. Le casse-tête parfait. Tellement simple d'ingéniosité ! Le rapport mélange/nombre de mouvements tellement gratifiant ! Alors on passe des heures et des heures à essayer de le résoudre. A vouloir le résoudre. A tout prix ! On ne pense plus qu'à ça ! Dès qu'une minute se présente, on passe en mode geek du Rubik à tournicoter dans tous les sens ces trois lignes...jusqu'à réussir, une fois. Deux fois. Cent fois. Ca y est on a compris le fonctionnement. On prend nos habitudes. On commence toujours par résoudre la face blanche d'abord. Puis on remonte à la tranche du dessus. Enfin la dernière face. Et c'est fini ? Boarf, finalement, ce Rubik c'est pas si fabuleux... Alors on passe au grand frère : le 4X4 ! Impressionnant comme ces énigmes nous tiennent en haleine jusqu'à ce qu'on en trouve la solution. Qu'on en comprenne le fonctionnement. Et là ça frappe, aussi rapidement et désagréablement que peut l'être un coup de foudre.

Les gens sont mon Rubik.

Tant qu'une personne s'avère avoir un comportement énigmatique, elle va m'intéresser. Une fois que j'ai compris son mode de fonctionnement, je passe à autre chose. On y revient encore et encore... Un magicien ne doit jamais dévoiler ses secrets !